Pierre Lemaitre poursuit sa saga picaresque qui couvre la période 1918 – 2015 (selon une de ses interviews). Ce dernier roman, qui se déroule en 1959, en constitue le neuvième épisode … Il nous reste donc encore quelques titres à lire avec toujours autant de bonheur.

Nous retrouvons ici la famille Pelletier. Le patriarche, Louis, a cédé sa savonnerie de Beyrouth et s’est retiré avec Angèle dans la banlieue parisienne, avec toujours la garde de Colette, sa petite-fille de 11 ans, retirée des maltraitances de sa mère Geneviève, l’épouse de son fils aîné Jean, et qui couve son petit-frère Philippe, 7 ans.

Il y a aussi François, journaliste dans un grand quotidien du soir et à la télévision, sa femme adorée Nine, et leurs deux enfants Alain et Martine, et enfin Hélène, qui anime une émission de radio de nuit, mariée avec Lambert, et qui attend un enfant après la petite Annie. Tout ce petit monde se retrouve pour les déjeuners dominicaux à la campagne …

Geneviève est le génie du mal de cette famille. Monstrueusement sadique vis-à-vis de ses propres enfants, elle va naturellement réclamer le retour au bercail de Colette, qui va consentir à ce déchirement (surtout la séparation d’avec Joseph, son chat) – car elle subit dès le début du livre un traumatisme qui la fait fuir cette campagne … elle va cependant découvrir son jeune frère Philippe, subitement aussi maltraité qu’elle.

Je me suis toujours demandée si l’auteur avait en tête un modèle aussi toxique que cette femme … L’actualité récente d’une mère ayant laissé mourir de faim sa fillette de 13 ans me le prouve hélas !

C’est François qui tient la vedette de cet épisode. Envoyé avec son équipe de tournage pour filmer une délégation de chefs d'entreprises invitée à Prague pour faire connaître la richesse industrielle de la Tchécoslovaquie communiste, il va être impliqué dans une affaire d’espionnage digne de John Le Carré, dont il aura toutes les peines du monde à se dépêtrer. Un suspens haletant, une construction machiavélique, des personnages complexes, au milieu des relations hyper tendues de la guerre froide.

Nous sommes au printemps 1959. Pierre Lemaitre avait alors huit ans, l’âge de son jeune personnage Philippe, un enfant qui présente des difficultés d’apprentissage à l’école. Personnellement, j’avais alors l’âge de Colette. Je me souviens de bribes de ces temps troublés : la guerre d’Algérie, le retour au pouvoir du Général De gaulle, les tensions Est-Ouest …

La magie de l’écrivain fonctionne toujours à plein. Au delà de la description des changements dans la société française qui atteint à une certaine facilité de consommation, on rencontre au fil de ces pages des héros particulièrement attachants, des fonctionnaires dévoués au bien de l’Etat, un journaliste scrupuleux et courageux, une description amoureuse de la capitale tchèque qui correspond en tous points à mes souvenirs.

On y fait une découverte qui fait le lien avec le premier opus de la saga, et on attend la suite qui devrait – du moins je l’espère - mettre en scène les deux enfants dans quelques années.

Pierre Lemaître avait bien prévu d’écrire un quatrième tome à sa série « Les années glorieuses ». Tout espoir est donc permis !

Un avenir radieux, roman de Pierre Lemaitre, édité chez Calmann- Lévy, 585 p., 23,90€