Les chapeaux jaunes du Pape, roman historique de Laurence Benveniste
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C’est un roman historique comme je les aime, qui se déroule pendant la période trouble de la Révolution française, quelques mois avant et trois ans après la prise de la Bastille. Selon un procédé narratif bien rodé, l'intrigue met en scène des héros attachants ainsi que des personnages historiques (La Fayette, Dom Pernety …)
Il s’agit de la vie douloureuse d’une famille élargie vivant dans le ghetto de Carpentras, dans ce Comtat Venaissin, terre papale qui « protège » depuis des siècles quatre communautés juives (également à Cavaillon, l’Isle sur la Sorgue et Avignon, possessions des papes en terre de France depuis cinq cents ans), non pas pour des raisons de charité « chrétienne » mais pour s’assurer que, siècle après siècles, les Juifs continuent à expier le crime d’avoir tué le Christ.
Une très grande partie du roman consiste donc à décrire les avanies que subissent les Juifs de la part des chrétiens : surtaxation, port de signes distinctifs, confinement au sein de quartiers clos hermétiquement dès la nuit tombée, interdiction d’occuper une multitude d’emplois ou de posséder une maison, de se marier avec des personnes non-juives … Des mesures de discrimination qui, même après les avancées de la Révolution et l’adoption de la Déclaration des Droits de l’homme et du citoyen, sont réapparues il n’y a pas si longtemps.
Une famille élargie donc, et un jeune héros aussi beau que courageux, David, sa sœur jumelle Esther, leur mère Bella et son amie sage-femme chrétienne Thomine et ses enfants Jaume – un fieffé salaud – et la jeune Marie. Il y a aussi la famille du rabbin Mordecaï, et surtout l’oncle Isaac qui a réussi à s’extraire de cette assignation à résidence imposée car il a fait fortune dans le négoce de chevaux, et s’appuie sur son obédience maçonne.
Certes, ce roman se lit un peu comme une série télévisée, avec une foule d’événements – au rythme des nouvelles qui parviennent très assourdies de la capitale. On y apprend une foule de notions sur la difficile vie quotidienne contrainte des Juifs du Pape, et où, naturellement, va se nouer une histoire d’amour interdite entre David et Marie.
On suit les états d’âme complexes des protagonistes : quitter cet horizon clos ou rester en famille par solidarité, les prises de positions politiques et le rôle émancipateur de la franc-maçonnerie, la guerre civile en marge de la guerre étrangère, la persistance de l’antisémitisme même après le rattachement du Comtat à la France.
Cependant, je n’ai pas tout à fait retrouvé le souffle des romans similaires parus ces dernières années – Jean-François Parot, Jean-Christophe Portes, Anne Villemin-Sicherman. Le côté didactique est certainement nécessaire, surtout dans notre époque contemporaine qui voit ressurgir des réactions inacceptables, mais entravent un peu le récit. Ce qui fait que je n’ai pas l’intention de lire la suite des aventures de ces sympathiques personnages.
Les chapeaux jaunes du Pape, roman de Laurence Benveniste, édité ches MKEditions, 420 p., 25€