Le mystère Mussolini, par Maurizio Serra, de l'Académie française
/image%2F1371293%2F20240518%2Fob_1590d4_le-mystere-mussolini.jpg)
« Ceci n’est pas une biographie » comme l’aurait dit Magritte. C’est bien plus encore.
Une analyse psychologique d’un personnage qui hante la première partie du XXème siècle, fut l’initiateur d’un mouvement totalitaire rapidement adopté par d’autres tribuns sanguinaires, une histoire des relations internationales de l’entre-deux guerres décrite avec précision par un expert ayant rencontré personnellement certains témoins de cette période dramatique …
Maurizio Serra, né en 1955, a écrit cet ouvrage directement en français … C’est en effet le premier Italien élu, en 2020, à l’Académie française. Son style est d’une très grande clarté, l’ouvrage de 600 pages se lit comme un roman.
Diplomate à Berlin, Moscou, Londres, ambassadeur à l’UNESCO à Paris, Genève, professeur d’’histoire des relations internationales à Rome, auteur de biographies majeures : Malaparte, D’Annunzio … Bref, un expert.
Cette lecture m’a plongée dans une foule de souvenirs : un été du début des années 2000, j’avais lu successivement les biographies des plus odieux dictateurs : Hitler par Ian Kershaw, Staline et Trotsky par Jean-Jacques Marie, Castro par Serge Raffy et, naturellement, celle de Mussolini par Pierre Milza.
Ce livre permet d’approfondir le mécanisme qui prouve comment le fascisme, et tous ses prolongements en Europe et ailleurs, est une histoire tragique du début à la fin.
Il nous présente les coéquipiers du Duce : Balbo à Ferrare, Arpinati et Grandi à Bologne, Branchi, Farinacci, Bottai … et naturellement Galeazzo Ciano, son gendre, ministre des Affaires étrangères qui se voit en dauphin et le trahira dans les derniers mois.
/image%2F1371293%2F20240518%2Fob_9546a4_m-serra.jpg)
En réalité, Mussolini apparaît comme assez surprenant, et l’auteur le dépeint avec une certaine mansuétude : gros travailleur, ascète – sauf en matière sexuelle -, polyglotte … le moteur premier de sa vie ne fut pas la haine – en particulier contre les Juifs – mais plutôt une ambition démesurée, la rancune, la volonté de s’imposer à tout prix. Sa passivité devant les catastrophes qui se multiplient n’est pas le reflet de son impuissance, elle provient de l'indifférence morale qui l’a toujours caractérisé.
Et il lui faut aussi compter sur le roi … L’attitude de Victor-Emmanuel est tout à fait intéressante.
Une autre découverte, toute personnelle, dans ce livre : la mention du massacre de Boves (Piémont), village natal de mon grand-père maternel, le 19 septembre 1943, perpétré par le SS Joachim Peiper avec incendie du village et assassinat de 32 personnes dont le maire et le curé qui s’étaient portés volontaires comme otages.
La guerre civile entre partisans de la République Sociale de Salo, état fantoche des Allemands retenant Mussolini en otage et les antifascistes fut terriblement cruelle … et je comprends mieux pourquoi le film de Pier Paolo Pasolini « Salo ou les 120 journées de Sodome » vu en 1975 m’avait marquée à jamais.
La vérité historique fut encore pire que la fiction. Et cependant, la graine du fascisme n’est pas totalement restée enfouie.
Le mystère Mussolini, l’homme, se défis, sa faillite, par Maurizio Serra de l’Académie française, édité chez Perrin, collection Tempus, 634 p., 12€.