Les croisades, histoire et idées reçues, sous la direction de Martin Aurell et Sylvain Gouguenheim
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Les croisades, un des évènements majeurs de l'histoire européenne au Moyen Âge.
Cet ouvrage collectif*, qui rassemble une pléiade d’historiens français et étrangers spécialistes du moyen-âge, nous aide à décrypter la complexité du phénomène et des tensions qui perturbent encore le monde d’aujourd’hui.
J’avais apprécié en son temps le livre d’Amin Maalouf « Les croisades vues par les Arabes » publié en 1983. Ici, 19 courts chapitres décrivent le cadre bien plus étendu du phénomène, sur les plans historique, géographique, temporel et spirituel. Autant de notions méconnues qui visent, comme le sous-titre du livre, à mettre à mal bien des idées reçues.
D’abord, revenir à la définition de la croisade, un terme qui n’est apparu que très postérieurement à la première expédition que nous appelons ainsi.
La croisade est une « guerre sainte » et aussi un pèlerinage collectif que l’occupation musulmane de la Terre sainte oblige à transformer en entreprise militaire. L’expédition est décidée et orchestrée par la papauté, comme une guerre pénitentielle : les croisés obtiennent en échange de leur engagement la promesse de la rémission de leurs péchés, éventuellement la mort en martyr, et des garanties de sauvegarde de leurs biens pendant leur absence. Politiquement aussi, la croisade est indissociable de l’autorité accrue du pape, notamment à la suite de la réforme grégorienne, sa suprématie revendiquée sur les autorités laïques et l’Empereur en particulier.
En fait, seule la première croisade lancée en 1095 vers la terre sainte par le pape Urbain II lors du concile de Clermont a été couronnée de succès, aboutissant à la prise de Jérusalem le 15 juillet 1099.
Mais ce ne fut pas la dernière, y compris celle qui, détournée, aboutit au sac de Constantinople par les Croisés en 1204 … Au total, vers le Moyen-Orient et jusqu’à la fin du XIIIème siècle, on en compte huit.
Ce qui est surprenant aussi, c’est simultanément l’élargissement du concept de croisade dans d’autres entreprises d’extension de la chrétienté catholique dans toutes les parties de l’Europe : Reconquista espagnole, guerres missionnaires de la Baltique, croisade des Albigeois, jusqu’à la fin du XIIIème siècle, la nécessité de contenir l’expansion des Ottomans. Dès lors qu’il s’agit d’éradiquer des non-catholiques, on parle de croisade contre les déviants, les hérétiques (Païens, vaudois, Cathares …).
Passionnante aussi, l’étude comparative des notions voisines de « guerre sainte » et « djihad », la continuation des croisades après l’officielle « huitième », le sort des Latins – ou « francs » qui firent souche dans les territoires « colonisés », la place des femmes dans cette saga guerrière, les réactions du monde arabo-musulman face à cette intrusion latine.
Aussi, une histoire du bassin méditerranéen oriental et de l'Europe du nord durant notre moyen-âge très auto-centré sur l'Europe occidentale : le rôle des ordres militaires, la puissance financière et territoriale des républiques commerçantes italiennes – Gênes, Pise, Venise – et leurs rivalités, la vérité sur la croisade des "enfants", la lente déliquescence de l’empire byzantin, les alliances mouvantes des uns avec les autres, y compris avec les Turcs, la constitution d’une société latine originale en Morée …
Bref, un ouvrage clair, plein de surprises, qui rassemble plusieurs points de vue et permet de mieux comprendre les croyances irréconciliables qui divisent les hommes et les femmes d’aujourd’hui.
Et ce qui m'étonne : comment a-t-il été possible de réussir la logistique de conduire des milliers de combattants sur des milliers de kilomètres, avec les moyens matériels du temps ???
*encore un livre découvert grâce à l'émission Historiquement show.
Les croisades, Histoires et idées reçues, ouvrage collectif sous la direction de Martin Aurell et Sylvain Gouguenheim, édité chez Perrin, 92p., 23,50€