Via Mala, roman de John Knittel
/image%2F1371293%2F20250718%2Fob_c99621_via-mala.jpg)
Un très beau roman, publié en 1934 par John Knittel, traduit en français en 1948. L’histoire se situe en Suisse, dans la région des Grisons, dans un village accroché aux parois de la montagne, où la neige recouvre toutes choses huit mois par an.
Deux familles aussi opposées l’une que l’autre : les Lauretz et les de Reichenau. L’héroïne principale est Sylvelie, belle comme le jour et bonne comme une sainte. Un amour infini va la lier à Andreas, issu d’une famille aristocratique richissime, juge d’instruction à Landzberg. Ella a vingt ans, lui dix de plus, ils vont tomber amoureux au premier regard …
Mais ce serait trop beau. Il y a Jonas, le père de Silvelie : un ruffian, ivrogne violent au point d’avoir estropié son fils d’un coup de hache alors que celui-ci s’interposait pour protéger sa mère, quasiment brisé le bras de sa fille, fait plusieurs enfants à une femme de rien, planté le désordre dans toutes les auberges du pays, laissé des dettes partout, dilapidant le peu d’argent dont dispose la famille pour satisfaire son besoin d’alcool et de sexe.
Sitôt commencée, l’histoire d’amour absolu entre Sylvelie et Andi va tourner au drame car le comportement violent de Jonas rend littéralement impossible la survie de sa famille. Ce soir-là, il a dépassé les bornes mais Silvelie n’est pas présente. Son frère et sa sœur lui ont raconté, et elle n’en parlera jamais. Ce lourd secret va empoisonner sa vie d’épouse et de mère car la justice est lente mais inexorable.
:no_upscale()/image%2F1371293%2F20250718%2Fob_f86abc_img-4834.jpg)
C’est un roman puissant, qui se passe à la fin des années trente, en pleine crise économique et dans les relents de préparation de la guerre, mais qui reste très actuel. Le cas de conscience d’Andi, qui recoupe certains éléments de la disparition soudaine de Jonas trois années après, est dramatique.
Pourquoi sa douce femme, qu’il a tant aimée, n’a jamais révélé le lourd secret qui la ronge, que doit-il faire en son âme et conscience. Lui qui a bravé les convenances de sa famille en épousant une fille misérable, comment imaginer ce qu’il devrait faire - ou ne pas faire - pour que justice soit rendue alors que personne ne présente un risque pour la société.
Trois parties, des chapitres courts, un suspens qui prend dès les premières pages et ne se résout qu’à la dernière … le tout dans des paysages somptueux et sauvages, comme cette route taillée à coup de pioches pour remonter le cours du torrent bouillonnant qui permet de faire fonctionner les scieries qui jouent aussi leur rôle dans le scénario.
Un bémol toutefois : les considérations politiques et morales de l’auteur sur le regret de l’abandon des traditions et la nécessité des innovations, la prééminence des intérêts privés et l’inanité des querelles des partis … considérations toujours d’actualité, certes, mais qui alourdissent le récit.
Il y avait des années que ce livre était rangé dans ma bibliothèque, mais je n’avais jamais pensé à l’ouvrir. Je sens qu’il va me rester en mémoire longtemps.
Via Mala, roman de John Knittel – traduit de l’allemand, édité (1948) aux éditions du Madrigal – Albin Michel – 621 p. et en livre de poche.