Ce deuxième volume de la fresque d’Henri Amouroux traite de l’année qui suit juste l’armistice de juin 1940, ou pourrait-on l’intituler « grandeur et misère du Maréchal » alors que tout – ou presque – un peuple se tourne vers lui avec une dévotion et une unanimité qu’il nous est aujourd’hui impossible de conceptualiser …

Et pourtant, quand on analyse jour après jour la vie politique française, on retrouve des traits communs aux deux périodes, malgré l’immense différence de situation que nous traversons aujourd’hui …

Voici l’étude des journaux – autorisés de paraître par la puissance occupante ou clandestins – et des correspondances, mémoires et galerie de portraits des acteurs … et surtout le décryptage de la figure connue et inconnue de ce vieillard robuste à l’œil si bleu … et qui détient tous les pouvoirs.

Au-delà des destructions du territoire, le poids énorme de la présence allemande, les difficultés de circulation, l’attente d’une libération des prisonniers qui fera l’objet de négociations infructueuses pour les autorités de Vichy… et malgré tout, une population KO debout mais qui reste toute entière en vénération devant le maréchal « Saint Philippe », malgré les difficultés de ravitaillement et d’emploi au jour le jour .

Une découverte pour moi, l’attitude des communistes français avant l’entrée en guerre de l’Allemagne contre l’URSS et après … les premiers résistants à Pétain, ses adversaires bien élevés, les débuts difficiles du gaullisme.

Mais l’unanimité aura la fragilité d’un printemps. Après le triomphe, la passion et l’idolâtrie viennent la désillusion et la détérioration du pétainisme. Malgré le drame de Mers-el-Kébir qui renforce temporairement la position du maréchal, risque de provoquer un renversement des alliances et qui freine le mouvement gaulliste : De Gaulle parlera de « coup de hache » dans les espoirs de la France Libre.

Dernier chapitre consacré à Pétain et les Juifs : un peu léger à mon sens. A la décharge de l’écrivain, le projet de statut des Juifs du 30 octobre, annoté et aggravé de la main même de Pétain, ne sera découvert qu’en 2010 …

Et tout va changer après l’attaque de l’Allemagne en Russie, une Allemagne qui n’a plus aucun intérêt à considérer la France comme un « vaincu privilégié ».

Quarante millions de pétainistes, juin 1940 – juin 1941, suite de La grande histoire des Français sous l'occupation, par Henri Amouroux, chez Robert Laffont (1977), 550 p.